

Les Fromages en région Centre-Val de Loire. Partie 2 : les camemberts
Les Fromages en région Centre-Val de Loire. Partie 2 : les camemberts
Non protégé par un brevet ni par une marque déposée, le camembert est fabriqué dans presque toute la Normandie dès les années 1870 et, rapidement, dans plusieurs autres régions dès la fin du siècle – en Bretagne, dans le Centre, l’Est. Les camemberts normands en viennent à être concurrencés sur le carreau des Halles de Paris par des laiteries souvent plus modernes. Grâce à l’Institut National de la Propriété Industrielle, nous pouvons suivre les premiers dépôts de marque dont, en 1903, celui du « camembert double-crème » d’un fabricant de St Nicolas de Bourgueil. Et, en 1926, le syndicat des Fabricants du Véritable Camembert de Normandie créé en 1909 perdra une action intentée contre la laiterie coopérative de Ligueil tendant à faire interdire l’utilisation de l’appellation « camembert » pour les fromages qu’elle fabrique.
Les étiquettes se font locales : « Le Tourangeau », « La Belle Tourangelle », « Jeanne d’Arc », -, « Le Cardinal », « Agnès Sorel », « Diane de Poitiers », « Descartes », « Rabelais », « Gargantua », « Pantagruel », « George Sand », « la vigne », « les vignerons », dont un camembert « dessert préféré de Balzac » – il y a sans doute là un anachronisme et une erreur de fromage, Balzac, dont on connaît la gourmandise, affectionnait surtout l’Olivet qu’il cite dans Le Lys dans la Vallée et les Contes Drolatiques. Sur tous ces fromages, figura longtemps un cachet en forme de timbre précisant « Véritable camembert du syndicat des laiteries industrielles de l’Ouest » – organisme créé dans les années 1930. L’autre famille de laiteries, les coopératives, déposera en 1933 son propre timbre le «Turona » «Le bon camembert de Touraine », ainsi que la marque « Caprina » pour les fromages de chèvre dits « Sainte-Maure ».
Ces produits sont tous réalisés par des laiteries fromageries dont les cheminées fument généreusement sur les étiquettes. En effet, la fabrication du camembert demande des équipements techniques. La nécessité de porter de lait à 32/35° exige un fourneau, du bois de chauffe ou du charbon, le moulage rapide après 1 à 2 heures de caillage avec plusieurs recharges espacées de moins d’une heure et des retournements successifs supposent un travail à demeure. C’est un coût et des investissements qui ne peuvent être rentabilisés dans une fabrication domestique ni même artisanale. Ce processus lourd a entrainé la spécialisation des fabriques et une concentration de la fabrication du camembert. C’est sans doute ce qui a provoqué en partie, à partir des années 1950, la disparition des petites laiteries par faillites, fusions et absorptions successives, et ceci dans toutes les régions de France y compris en Normandie. Et ce en dépit d’investissements dans des chaudières et des échangeurs tubulaires, dans des camions puis des citernes de collecte dans les années 1960. Mais les petits commerces disparaissaient, il fallait faire des économies d’échelle pour s’adapter à la nouvelle distribution. La concentration industrielle était en marche. La technique fromagère du camembert et autres pâtes présurées le permettait. A titre d’exemple, l’Opinion économique et financière d’octobre 1951, consacré à la Touraine, répertoriait en Indre-et-Loire 20 laiteries coopératives et 22 laiteries industrielles. En 1950, les laiteries privées, qui collectaient 40 % de la production laitière, avaient produit 72 000 hl de lait, 900 t. de beurre, 1 200 t. de camemberts, 125 t. de Sainte-Maure, 100 t. d’autres fromages et de la caséine. Il ne reste que deux de ces laiteries et un camembert, « le Charles VII » créé dans les années 1970 par la laiterie de Verneuil - anciennement au lait cru, désormais thermisé.
À suivre…
Nicole Bacchella
Présidente Directrice Générale de la Société Gaudais